
Le bostryche typographe
Ça sent la phéromone, quel parfum irrésistible ! Je vole vers la petite chambre aménagée avec style par un beau mâle. Une fois l’accouplement terminé, je commence mon travail de forage intensif sous l’écorce d’un épicéa. Dans chaque galerie, je dépose à espacements réguliers, entre 20 et 80 oeufs.
Chacun donnera naissance à une larve qui, d’ici 7 à 12 semaines, deviendra jeune adulte. Ce développement dépend fortement de la température, idéalement située entre 25 et 30 degrés. Ma descendance s’envole par un petit trou creusé à travers l’écorce, et c’est reparti de plus belle avec une nouvelle génération prête à l’assaut du prochain épicéa !
Contrairement à d’autres coléoptères, mon attaque est fatale envers les arbres vivants, souvent déjà affaiblis, notamment en raison du changement climatique. S’ils sont en trop bonne santé, ils se défendent en noyant nos chambres d’accouplement avec leur résine. C’est une guerre invisible qui se trame sous leur écorce.
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Mais encore...
Son arbre hôte est l’épicéa appelé aussi sapin rouge. Il hiverne sous l’écorce des arbres ou au sol dans la litière. Il supporte le gel jusqu’à des températures de -20°. L’envol du bostryche a lieu entre avril et mai une fois les températures plus clémentes revenues. Le mâle fore alors une chambre d’accouplement sous l’écorce et émet des phéromones (substance chimique) attirant deux à trois femelles. Après fécondation, elles déposent entre 20 et 80 œufs le long de galeries qu’elles creusent sous l’écorce. Les larves sortent des œufs et grandissent en creusant des galeries latérales. L’insecte adulte est formé au bout de 7 à 12 semaines. Il fore un trou de sortie afin de recommencer un nouveau cycle sur le même arbre ou sur un autre épicéa. En plaine, durant les années aux étés chauds et plutôt secs, on dénombre jusqu’à 3 générations complètes de bostryches ! Vous l’aurez compris, l’évolution de la population est exponentielle. En quelques semaines, un épicéa majestueux peut dépérir.
Mais que fait l’arbre ?
Un épicéa réagit aux attaques de l’insecte en remplissant de résine les cavités creusées. De cette manière, il stoppe son développement. Dans ce sens, les périodes de sécheresse ou de canicule n’arrangent pas la situation.
L’arbre étant plus ou moins « à sec », il n’a plus la possibilité de se défendre. Le bostryche peut alors s’y développer facilement. A l’inverse d’un épicéa sain et vigoureux, sa réaction de défense sera importante, le bostryche l’évitera. En cas de pullulation massive d’insectes, l'ensemble du peuplement d’épicéas est attaqué.
Et les conséquences …
Le bostryche se développe juste sous l’écorce et endommage le cambium, tissu vital de l’arbre. La circulation de la sève élaborée riche en éléments nutritifs est alors entravée. Le bostryche véhicule avec lui une quantité de spores de champignons qui à terme détruisent entièrement les canaux de transport vers le système racinaire et ne permettent plus les échanges avec les racines (approvisionnement en eau et sels minéraux). La couronne de l’arbre (lieu de production d’éléments nutritifs par photosynthèse) se dessèche. En fin de compte, le bostryche typographe provoque l’interruption de la circulation des substances vitales au sein de l’arbre qui sèche progressivement.