Arbres et lumière

Moi, le champignon mycorhizien, je fais mon travail en sous-sol. Je mets sels minéraux et eau à disposition des racines de mon partenaire l’arbre, qui les achemine vers son feuillage. En échange, l’arbre produit de la sève riche en sucre qui prend le chemin inverse et me nourrit. Sous la lumière du soleil, ses feuilles produisent cette délicieuse substance, grâce à la photosynthèse. Qu’il soit au soleil, à l’ombre, ou entre les deux, chaque arbre y trouvera son compte.
Les forestier·ères, qui connaissent bien les besoins en lumière des espèces, sélectionnent avec soin les arbres concurrents à abattre afin de donner juste ce qu’il faut de lumière et permettre à l’heureux élu un développement optimal. Dans les forêts naturelles en revanche, c’est la loi du plus fort. Le premier arbre avec la tête au soleil a gagné !
Mais encore...
Au soleil ou dans l’ombre, la forêt est façonnée par ce "grand jeu" de lumière. Les arbres se livrent une terrible bataille à la course à la lumière. La concurrence est féroce et le premier qui pourra mettre ses feuilles au soleil en sortira vainqueur. La nature est sans pitié pour les plus faibles. Les arbres, qui ont perdu la course vers ces sommets ensoleillés disparaîtront inexorablement. Un arbre adulte produit des dizaines de milliers de graines au cours de son existence. Les conditions nécessaires à la germination (chaleur au sol et humidité) n’étant souvent pas réunies, la plupart des graines ne parviendra pas à donner vie à un jeune plant. Certaines espèces ont développé une stratégie de “grande patience”, ce sont les essences dites d’ombre, le sapin blanc en est un digne représentant. Sous couvert pendant plusieurs décennies, ils peuvent attendre une ouverture dans la canopée suite à la chute ou la mort d’un congénère pour enfin s’élancer à leur tour. Les essences de pleine lumière, comme le chêne ou les arbres pionniers (bouleaux, saules, mélèzes, pins, …), possèdent très peu de marge de manœuvre et devront rapidement s’établir au soleil pour survivre. D’autres espèces dites de mi-ombre ou de mi-lumière tels que l’érable ou l’épicéa pourront s’établir dans des conditions lumineuses moins exigeantes. La forêt se diversifie au gré des aléas climatiques, mettant parfois à nu et en plein soleil brusquement de larges surfaces changeant drastiquement l’évolution des arbres. Ces événements climatiques sont problématiques pour certains vieux individus qui se voient d’un coup brûlés par le soleil.
Avant toute intervention en forêt, le·la sylviculteur·trice prend soin d’observer la disponibilité de semences dans le houppier des arbres, la présence de plantules (très jeunes arbres) au sol et de la végétation concurrente, l’ensoleillement de la surface, etc. Dans l’objectif de rajeunir naturellement la forêt, le prélèvement d’arbres permet d'amener suffisamment de lumière et de chaleur au sol afin de provoquer la germination de graines présentes. En revanche, un apport trop grand et brusque de lumière stimule la croissance des plantes adventices telles que ronces, orties ou fougères. Elles occupent rapidement tout l’espace et interceptent le rayonnement solaire ne laissant aucune chance au développement de jeunes arbres. Il s’agit d’apprivoiser ce jeu de lumière très subtil qui permet de rajeunir naturellement une forêt sans recourir à la plantation. En fonction du but recherché de composition des espèces, la taille et l’orientation des ouvertures pratiquées lors de coupes de bois varient selon les espèces de lumière ou d’ombre souhaitées.
Le bon développement de l’arbre est intimement lié à l’efficacité de ses échanges avec les champignons mycorhiziens en sous-sol et à l’exposition de sa couronne au soleil. Ces deux processus conjugués lui permettent d’assurer une photosynthèse efficace gage de croissance, vigueur et santé.