Inestimable biodiversité

Je me nourris principalement de larves d’insectes, de vers et de têtards. Mais je représente à mon tour un encas apprécié par mes prédateurs : rapaces, renards, couleuvres et hérons. Vous l’aurez compris, je fais partie intégrante d’une chaîne alimentaire.
En détruisant mon habitat, notamment par l’assèchement de zones humides ou par la pollution, ma survie est compromise et donc celle de nombreuses autres espèces. Ainsi, la biodiversité s’écroule imperceptiblement. Certaines chaînes alimentaires sont interrompues détruisant le cycle de vie pour de nombreuses espèces essentielles à la vie sur terre.
Il est urgent de favoriser des paysages variés, des forêts riches et structurées, des villes plus vertes. Il est aussi nécessaire d’arrêter de verser des produits chimiques dans notre environnement. Vive la biodiversité !
Mais encore...
Changement climatique et biodiversité
Plus d’un million d’espèces sont actuellement menacées de disparition et une espèce disparaît de la surface de la terre toutes les 20 minutes en moyenne, soit un rythme 100 à 1000 x plus élevé que la normale. Ce constat a été dressé par l’IPBES1, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’équivalent du GIEC pour la biodiversité.
En Suisse, la situation n’est pas meilleure : près de la moitié des milieux naturels et plus d’un tiers des espèces évaluées sont menacées à des degrés divers2, les taux les plus élevés en Europe.
Cette situation est alarmante et de nombreux scientifiques parlent désormais de 6ème extinction de masse3. Cette extinction massive des espèces touche directement les humain.e.s. Un exemple: sans les abeilles, bourdons ou papillons, la pollinisation d’aliments comme les baies, les fruits et les légumes est impossible. La biodiversité a une valeur inestimable pour l’être humain. Nous avons besoin d’écosystèmes intacts pour notre nourriture, un air propre, une eau potable et des sols fertiles. Les écosystèmes sont des bases essentielles de la vie, dont la nôtre. Ils nous protègent contre les dangers naturels, à l’exemple des forêts de montagne qui retiennent les avalanches. Ils sont également indispensables pour notre détente: les espaces verts améliorent la santé physique et psychique.
En Suisse, les marais ont perdu plus de 80% de leur superficie depuis 19004. Un tiers de nos cours d’eau n’est plus en mesure d’offrir un environnement adéquat pour les plantes et les animaux. Les zones protégées sont morcelées et insuffisamment reliées entre elles. Les zones urbanisées et les voies de communication constituent des obstacles infranchissables pour les espèces. Dans de telles conditions, les animaux et les plantes ne trouvent refuge que dans des petites aires où ils sont isolés de leurs congénères. D’autres facteurs comme les micropolluants, les effets du réchauffement climatique et l’arrivée d’espèces invasives menacent également la biodiversité.
Mise à part l’extinction d’un animal emblématique, une espèce disparaît souvent dans une indifférence presque totale. L’enjeu est tout aussi important que de gérer le climat de demain et ses répercussions.
Mise en péril d’une fine mécanique
L’écosystème terrestre s’est développé pendant des millions d’années et continue à évoluer.
Cette construction très complexe et patiemment élaborée nous procure une certaine stabilité. Sa capacité d’adaptation est importante ; elle a permis d’absorber jusqu’à présent et dans une large mesure les impacts des activités humaines. Toutefois, la problématique est identique à celle du climat ; en dépassant certaines limites, l’équilibre actuel du système est menacé. La biodiversité s’écroule imperceptiblement ou presque, des pans entiers de vie disparaissent. Certaines chaînes alimentaires sont interrompues, détruisant le cycle de vie pour de nombreuses espèces essentielles à notre existence sur terre.
Au nom de la diversité
Il est primordial de travailler tant sur la réduction de gaz à effet de serre, responsable du changement climatique, que sur la diversité de notre écosystème. Plus ce dernier sera riche et varié, plus il aura la possibilité de s’adapter à de nouvelles situations climatiques. La résilience d’un système se mesure à sa capacité d’encaisser des perturbations et de retrouver un équilibre sans disparaître. A l’instar de l’écosystème forestier, qui subira certainement de profonds changements, l’objectif d’un milieu résilient, à l’échelle temporelle de l’homme, est qu’il puisse toujours fournir les services écosystémiques dont le monde a besoin. Pour illustrer ce propos, une forêt protectrice contre les avalanches devrait pouvoir assumer en continu sa prestation. Dotée d’une diversité biologique suffisante, notamment par la présence d’espèces d’arbres variée, elle disposera alors d’une plus grande latitude de réaction face à de nouvelles conditions environnementales. Elle subira certes une évolution dans sa structure et composition, certaines espèces disparaîtront laissant la place à d’autres déjà présentes, mais sera toujours à même de remplir son rôle de protection et ceci sans interruption.
La sauvegarde de la biodiversité passera notamment par des paysages plus riches en haies et arbres isolés, des forêts mélangées et structurées, des villes plus « végétalisées » et une diminution drastique des produits chimiques déversés dans notre environnement. Un écosystème diversifié et complexe dispose des ressources nécessaires à sa préservation, notamment les antagonistes en cas d’attaques parasites limitant ainsi le recours à des substances exogènes.
La nature survivra sans problème à l’humain, elle continuera simplement son évolution sans lui, développera de nouveaux organismes adaptés aux conditions du moment. C’est pourquoi, il est urgent de réagir à tous les niveaux si nous désirons encore longtemps couler des jours heureux sur cette belle planète.
1 IPBES, 2019. Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. IPBES secretariat, Bonn, Germany / https://www.ipbes.net/global-assessment
2 OFEV (ed). (2023). Biodiversité en Suisse. État et évolution. Office fédéral de l’environnement, Berne.
https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/biodiversite/publications/publications-biodiversite/biodiversite-en-Suisse-etat-et-evolution.html
3 Pereira, H. M., Martins, I. S., Rosa, I. M. D., Kim, H., Leadley, P., Popp, A., … Alkemade, R. (2024). Global trends and scenarios for terrestrial biodiversity and ecosystem services from 1900 to 2050. Science, 384(6694), 458–465. https://doi.org/10.1126/science.adn3441
4 Lachat, T., Pauli, D., Gonseth, Y., Klaus, G., Scheidegger, C., Vittoz, P., & Walter, T. (2011). Evolution de la biodiversité en Suisse depuis 1900: Avons-nous touché le fond? Berne: Haupt Verlag AG.